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Plume de stylo  A la découverte de Janvier

Premier prix
du concours de nouvelles
des Appaméennes du livre
2010 (jeunes)

DRÔLE D'HÉRITAGE ! pensa James en sortant de chez le notaire. Très étrange même, mais sa grand-mère avait toujours été bizarre. Elle avait vécu au bord de la mer près de Lynemouth en Angleterre, dans une vieille maison, grande et reculée. Bizarrement la veille de sa disparition Madame Nickington avait téléphoné à tous ses petits-fils, en leur disant de ne pas s'en faire au cas où ! Et d'après la date du testament, il avait été réalisé peu de temps avant sa mort.

 

James rentra dans sa maison à Alnwick située à peine à 18,8 miles de Lynemouth. James était un adolescent petit pour son âge, aux cheveux châtains et aux yeux bruns. Il aimait aussi sortir avec ses amis et n'excellait pas à l'école bien qu'il n'eût pas de très grandes difficultés. Et dans quelques mois il allait arriver à son dix-septième anniversaire.

Une fois entré, il défit ses bagages au milieu du grand salon et emporta son héritage dans sa chambre qu'il ferma bien soigneusement, puis il regarda encore une fois l'étrange pendule que lui avait léguée sa grand-mère. C'était une pendule en or, il y avait un gros cadran qui était étrangement doté de quatre aiguilles qui tournaient en effectuant de petits crissements perpétuels. En dessous, trois piliers couleur or retenaient le cadran et étaient fixés sur un socle et le tout était recouvert d'une cloche en verre. En la regardant attentivement James remarqua trois anomalies, la première était les quatre aiguilles qui tournaient inlassablement. De plus, il ne connaissait aucun des symboles présents sur le cadran, ils avaient l'air tracé à la main, c'était comme de petits dessins placés à la place des chiffres habituels, sûrement d'une langue ancienne. Si James avait fait des études de langues anciennes, il aurait appris que c'étaient les chiffres anciens des Incas. Mais le plus étrange était qu'il n'y avait aucune pile qui alimentait cette horloge. Il avait beau chercher, la retourner, ouvrir la cloche et fouiller partout, il fallait se rendre à l'évidence, cette horloge fonctionnait toute seule. Perplexe, il déposa sa pendule sur la table et descendit manger. Son père, Peter Nickington, travaillait comme réalisateur de séries télévisées, qui n'avait soit-dit en passant pas trop de succès. Il était aidé par sa femme, Jane Nickington, qui réalisait les costumes pour les figurants. C'étaient des parents absorbés par leur boulot et qui ne s'occupaient pas trop de leur fils.

Une fois le repas achevé, James remonta dans sa chambre et, comme tous les soirs, entreprit de faire ses devoirs. Mais cette pendule le préoccupait. S'il se rappelait bien, c'était le seul objet que sa grand-mère gardait dans sa chambre, posé sur un bureau, entouré de vieilles photos représentant la vie qu'elle avait eue avant. Il n'y était rentré qu'une fois et il se souvenait que c'était une grande pièce qui avait une odeur propre aux grands-mères. Il y avait dans cette chambre une table de chevet posée à côté du lit, et c'était là, oui, c'était là qu'il l'avait vue entourée par les photos. Coupant court à ses souvenirs, il se leva et alla la prendre dans ses mains. La pendule faisait toujours ce petit crissement continu, sûrement la rencontre des poulies entre elles. En touchant la surface vieillie il se demanda si c'était de l'or pur. Après tout, je pourrais toujours la vendre, je me ferais un peu d'argent, se dit-il. Mais vendre le seul héritage que lui avait légué sa grand-mère lui parut une bien mauvaise idée. Il décida d'aller se coucher sans prendre la peine de terminer ses devoirs. Il éteignit la lumière et ne s'endormit que très tard dans la nuit.

Le lendemain il se sentit en pleine forme, comme si la nuit l'avait guéri de ses doutes qui le tiraillaient la veille au soir, même son asthme chronique semblait avoir disparu. Il se prépara et se rendit au lycée. A quatre heures et demie, une fois sa journée finie, il ne put s'empêcher de réfléchir à cette mystérieuse horloge. « Pourquoi m'avoir donné ça ? se répéta-t-il inlassablement surtout qu'elle ne donnait même pas l'heure avec ses quatre aiguilles et son cadran codé avec des chiffres que je ne connais même pas ! Pourtant il doit bien y avoir une raison ». Il se mit alors à imaginer des dizaines de scénarios qui lui permettraient de comprendre, mais James n'avait jamais été très imaginatif. Une fois arrivé chez lui, il posa son sac dans l'entrée sans avoir l'intention de l'ouvrir plus tard. Il monta les escaliers quatre à quatre et alla prendre une vieille loupe dans le bureau de son père. Pendant l'heure de français en contemplant sa montre il avait trouvé une solution qui lui permettrait de savoir d'où venait réellement cette horloge. Chaque montre avait une marque propre, il lui suffisait de la trouver sur l'horloge et il n'aurait qu'à se renseigner. Il entra dans sa chambre et se dirigea vers son bureau. II inspecta l'horloge pendant plus d'une demi-heure avant de trouver ce qui l'intéressait : une inscription écrite sur le bas côté, petite et étroite. Il eut du mal à la lire mais il jubila intérieurement d'avoir trouvé un indice. Il repassa sa loupe sur les lettres et les recopia sur un bout de papier blanc qui traînait sur son bureau. Janvier Antide. Et en dessous de ce nom, une inscription encore plus petite était notée. James mit plus de temps à la recopier et il s'aperçut que ce n'était pas de l'anglais mais du français ; une fois traduite, la phrase disait : « A ton dernier voyage, l'horloge t'avertira. » Bien que cela ne lui dise absolument rien, James se précipita sur son ordinateur portable, pour chercher des indices sur l'homme mystérieux. Une fois allumé, il alla sur Internet pour chercher sur Woukupédia. Il faillit pousser un grand cri de joie quand il lut :

« Antide Janvier, né le 1er juillet 1751 à Briva, auj. Brive, un hameau de Lavans-lès-Saint-Claude dans le Jura, mort le 24 septembre 1835 à Paris, est un maître horloger français. Maître horloger, pensa t-il, ça collait parfaitement. Avide d'informations il continua sa lecture. Célèbre horloger français, constructeur de régulateurs, d'horloges astronomiques et de planétaires, auteur d'importants ouvrages sur l'horlogerie et sur l'histoire entre la vie et la mort et de la concordance avec les planètes. »

L'article s'arrêtait là, sans plus d'informations. James se coucha sur son lit et étudia la situation, il avait reçu une horloge en héritage, cette horloge fonctionnait toute seule et n'indiquait pas l'heure. Par ailleurs il avait trouvé le nom d'un célèbre horloger français, auteur d'œuvres sur la vie et la mort et une mystérieuse phrase en français. Cette histoire paraissait dingue et pourtant il voulut y croire. Quel était le mystère de cette étrange pendule ? Six heures sonnèrent à l'horloge de la cuisine, il descendit l'escalier et trouva un mot de ses parents qui lui disaient qu'ils ne pourraient pas rentrer ce soir. Il soupira. A force il avait l'habitude d'être ainsi délaissé par ses parents même si cela lui faisait mal un peu plus à chaque fois. Il se mit rapidement à faire des pâtes et les mangea devant la télévision du salon comme il en avait l'habitude quand ses parents ne rentraient pas. Puis il se leva et se dirigea vers le bureau de son père en passant prendre son ordinateur dans sa chambre. James s'installa sur le bureau, prit du papier à côté de lui et commença à relever toutes les informations qu'il trouvait dans n'importe quel site Internet sur ce fameux Janvier Antide. Il chercha aussi son nom sur la grande Encyclopédie en douze volumes que conservait son père dans son armoire. Il éplucha toutes les informations et les nota sur le papier. Il passa en revue toutes ses créations et reconnut dans plusieurs schémas des similitudes avec la sienne. Vers vingt-trois heures au soir, fatigué mais fier, James marcha jusqu'à son lit, il avait eu une idée : le lendemain, il irait à la bibliothèque et trouverait les fameux livres d'Antide. Heureux de toutes ses trouvailles, il se laissa porter dans le monde des rêves où il dormit d'un sommeil paisible.

Le lendemain, il se leva tôt bien qu'il n'eût pas école et sortit prendre son vélo pour aller à la bibliothèque. Une fois arrivé là-bas, il se sentit bête, il n'avait jamais été un grand passionné de littérature, pourtant il adorait quand le professeur de français distribuait des livres à lire et il était toujours le premier à les finir même s'il faisait croire le contraire. Une femme légèrement enrobée et souriante coupa court à ses réflexions et lui demanda ce qu'il voulait. Il lui donna le nom des livres qu'il cherchait et elle alla vérifier sur son ordinateur. Elle releva la tête et parcourut les rayons, avec une rapidité telle que James eut du mal à ne pas la perdre dans cette montagne de livres. Il se fit ensuite inscrire et elle lui donna une carte d'adhérent ainsi que les livres. Il se promit de revenir ici plus souvent. Rentré chez lui, il se mit à les consulter. Au début il trouva ça lassant, mais petit à petit il s'y intéressa, si bien qu'à la fin de la journée, alors que ses parents rentrèrent du travail, il les avait tous lus. Antide développait une théorie selon laquelle les astres influaient sur la vie et la mort des humains en fonction de leurs signes astrologiques, de leur date de naissance, de leur ascendant planétaire. Tout un fatras de théories qui s'étaient développées à l'époque des Lumières au début de la recherche scientifique. Mais il ne trouva aucun passage sur son horloge, il trouva juste un paragraphe qui parlait d'une horloge qui marcherait avec l'âme de son possesseur, sans pile ni autre instrument, une horloge magique et aussi cette phrase en français qui revenait. Mais ce paragraphe n'était pas clair et extrêmement court. Au final, lassé par toute cette lecture, James alla se coucher sans même prendre le temps de manger.

 

Cinq ans plus tard...

James était maintenant à la fac, il préparait des concours en espérant être pris comme océanologue. Il vivait maintenant dans la capitale londonienne dans un appartement exigu. James se réveilla en sursaut et jeta un coup d'œil à son horloge digitale, elle annonçait huit heures moins le quart. Il se souvenait s'être couché très tard la veille. Il se leva précipitamment de son lit et se dirigea vers la salle de bains, il se lava sans prendre la peine de se doucher et s'habilla aussi rapidement qu'il le put. Il avait ce matin un examen important. Une fois habillé, il avala un café très fort en grimaçant et mangea une tartine tout en prenant son sac et en fermant son appartement. Ça y est, il était désormais huit heures moins dix, il avait mis cinq minutes et il fallait à peu près un quart d'heure pour rejoindre la fac. Avec un peu de chance, s'il courait, il arriverait à l'heure mais aujourd'hui quelqu'un avait décidé que James Nickington n'aurait pas de chance.

La veille il avait été très surpris, sa pendule s'était arrêtée, d'un coup. Le petit grésillement avait cessé et les aiguilles arrêtaient de bouger. Maintenant il dévala les escaliers et sortit dans la rue. Le mois de novembre était déjà bien commencé et le froid se faisait sentir. James avait toujours détesté cette époque. Il traversa la rue et regarda machinalement sa montre pour s'assurer de l'heure. Il ne vit rien. Il ne sentit rien. Juste un choc sur son épaule. Il voulut se retourner pour voir qui l'avait frappé mais il était déjà étendu par terre. Ses yeux refusaient de s'ouvrir et il se sentait léger. Au loin il entendit un cri, un cri de femme, semblait-t-il. Il se demanda ce qui se passait et voulut se relever mais resta bloqué. Il entendit une portière claquer et un homme qui lui criait de se relever. Soudain James comprit, ce n'était pas un coup qu'il avait reçu mais une voiture l'avait percuté. Et il comprit bien d'autres choses. L'horloge. Ces aiguilles, ces symboles, cette phrase. Il se rendit compte qu'il n'avait jamais été malade de toute sa vie comme sa grand-mère. Et l'horloge qui venait de s'arrêter, le prévenant sûrement de son décès. Il comprit aussi pourquoi sa grand-mère avait réussi à prévenir tout le monde car elle savait déjà qu'elle allait mourir. Une horloge qui prédit l'avenir, Antide avait réussi à créer une horloge magique. Une chaleur s'installa progressivement dans son corps, il n'entendait plus ce qui se passait dans la rue, juste une sirène au loin qui arrivait et, résigné, il se laissa faire et se laissa fondre dans cette chaleur qui 1'emportait au loin.

Quelques années plus tard, cette horloge était entreposée dans une vieille brocante, les parents de James l'avaient vendue car elle leur rappelait trop de souvenirs, le propriétaire avait fait une bonne affaire mais n'avait jamais réussi à la faire marcher. Jusqu'au jour où une fille d'une vingtaine d'années ouvrit la porte de cette brocante ; intriguée, elle s'approcha de l'horloge, la toucha et celle-ci se remit à marcher, en émettant un grésillement continu.

 

Lorick Mandrou, Trèbes (Aude)

25.08.2010 Le salon  | Le concours de nouvelles | Les cafés littéraires | L'actualité |